Le droit de retrait au travail : quand et comment l’exercer ?
Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
Lorsqu’un salarié, qu'il soit lié par un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, constate une situation qui présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, il a le droit de cesser de travailler pour se retirer de la situation dangereuse : il s’agit du droit de retrait. La notion de droit de retrait est inscrite dans le Code du travail.
En effet, à l'occasion de situations exceptionnelles, telles qu’une canicule ou une épidémie comme le Coronavirus, le droit de retrait revient très souvent au centre des conversations. Pour autant, le caractère exceptionnel et potentiellement dangereux d’une situation n’est pas toujours suffisant pour exercer son droit de retrait.
Quelles sont les conditions pour exercer son droit de retrait ? L’employeur peut-il sanctionner un salarié pour cette raison ? Legalstart vous explique.
Mini-Sommaire
Qu’est-ce que le droit de retrait au travail ?
Le droit de retrait est la possibilité pour un salarié de quitter son poste de travail s’il se trouve dans une situation dangereuse pour sa vie ou sa santé. Cela ne sera pas qualifié d’abandon de poste sous certaines conditions.
Le droit de retrait est un droit unilatéral qui ne nécessite pas l’accord de l’employeur.
En réalité, le droit de retrait est étroitement lié à une autre notion : l’obligation d’alerte. En effet, dès lors qu’un salarié constate qu’une situation de travail est dangereuse pour sa santé ou celle des autres employés, il a l’obligation de la signaler à son employeur.
Ainsi, en cas de situation dangereuse au travail, après en avoir informé son employeur, le salarié a le droit de ne pas prendre son poste de travail ou de le quitter, et ce, tant que le danger est présent.
Il existe de multiples exemples de droit de retrait. Cela peut être justifié par une absence d’équipements de protection, un processus de fabrication dangereux, ou encore l’utilisation de matériaux défectueux. Toutefois, avant d’exercer son droit de retrait, le salarié doit veiller à respecter certaines conditions.
Quelles sont les conditions du droit de retrait ?
Il existe de nombreuses situations dans lesquelles les salariés s’interrogent sur leur droit de retrait. C’est le cas du droit de retrait infirmier pour manque de personnel ou du droit de retrait en cas de canicule.
Cependant, l’exercice du droit de retrait suppose certaines conditions. Quand est-il possible de l’exercer et comment ? Décryptage.
Quand peut-on exercer le droit de retrait ?
Il est important de comprendre dans quelles situations les salariés peuvent exercer leur droit de retrait. En effet, le droit de retrait est prévu pour des circonstances exceptionnelles.
Pour qu’un salarié exerce valablement son droit de retrait, il doit avoir un motif raisonnable de penser qu’il existe un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Ainsi, pour exercer son droit de retrait, il faut :
- se trouver dans une situation de danger grave. La notion de « danger grave » suppose que la situation peut porter atteinte à la vie ou à la santé physique ou psychique du salarié. Il ne s’agit donc pas d’une situation simplement inconfortable.
- le danger doit être immédiat ou imminent. Cela signifie que le danger peut se réaliser très rapidement. Cet élément est important, car il justifie que le salarié puisse quitter son poste.
Bien que le droit du travail spécifie clairement que le motif légitime pour exercer le droit de retrait est un « danger grave et imminent », les notions de danger, d’imminence et de gravité sont subjectives. Elles varient en fonction de l’interprétation de chaque individu. En cas de conflit, l’appréciation du « motif raisonnable de penser » est alors laissée au juge.
⚠️ Attention : le danger peut être de nature personnelle ou collective. Cependant, l’exercice du droit de retrait ne doit pas créer une situation dangereuse pour les autres salariés.
Droit de retrait : exemples
Il n’existe pas de liste exhaustive des situations dans lesquelles il est possible d’exercer son droit de retrait. Généralement, les juges font une évaluation au cas par cas des situations dangereuses qui leur sont présentées. Il est donc important que le salarié puisse justifier l’exercice de son droit de retrait par un motif raisonnable.
Par exemple, beaucoup de salariés s’interrogent sur la possibilité d’exercer leur droit de retrait en cas de canicule. Bien souvent, la notion de danger imminent est difficile à démontrer dans le cadre d’un droit de retrait dû à la chaleur ou au froid.
Le chiffre inscrit au thermomètre ne suffit pas à lui seul à justifier un droit de retrait dû à la température. Sont également pris en compte les dispositifs mis en œuvre par l’employeur : vêtements de protection contre le froid, ventilation des locaux et distribution d’eau en cas de canicule, l’aménagement des horaires de travail pour éviter les températures extrêmes, etc.
Certaines situations restent délicates. C’est le cas notamment de l’exercice du droit de retrait en cas de harcèlement. En effet, le danger n’est pas uniquement physique, mais peut également être psychique.
Les juges ont déjà admis l’exercice du droit de retrait pour harcèlement moral dans certaines situations. Il reste important de comprendre qu’il s’agit d’une appréciation des juges étudiées au cas par cas, et que l’exercice du droit de retrait n’est pas nécessairement possible dans toutes les situations de harcèlement. Dans une situation de harcèlement, la première étape consiste donc à en parler au référent harcèlement de l’entreprise.
Comment informer l’employeur de l’exercice de son droit de retrait ?
Le salarié qui souhaite exercer son droit de retrait doit d’abord exécuter son obligation d’alerte auprès de son employeur (simultanément ou en amont). Il doit donc l’informer de la situation et lui faire part de l’exercice de son droit de retrait par tout moyen.
Cette information peut se faire à l’oral comme à l’écrit et il n’est pas nécessaire de respecter un modèle de lettre de droit de retrait. Pour autant, il reste préférable pour des raisons de preuve d’informer l’employeur par écrit (mail lettre recommandée ou remise en main propre, etc.).
Le salarié peut exercer son droit de retrait (et donc ne pas se présenter à son poste) jusqu’à ce que des mesures de prévention et de sécurité adaptées soient mises en place.
Dans les faits, la procédure pour recourir au droit de retrait est la suivante :
- le salarié alerte l’employeur ou un représentant du personnel de la situation de danger par tout moyen, et de préférence par écrit ;
- il s’assure que son droit de retrait ne cause pas une nouvelle situation de danger grave et imminent pour autrui ;
- il quitte son poste de travail sans attendre l’aval de son employeur.
⚠️ Attention : si le droit de retrait d’un salarié met en danger autrui, il n’est pas autorisé à quitter son poste de travail. Cela est considéré comme une faute et peut être sanctionné à ce titre.
Les conditions du droit de retrait dans la fonction publique pour un agent sont les mêmes que pour un salarié de droit privé. L’agent alerte son chef de service ou un représentant du personnel au comité social qui consigne dans un registre spécial les dangers graves et imminents survenus. Une enquête est alors ouverte.
Combien de temps peut durer un droit de retrait ?
En ce qui concerne le droit de retrait, combien de temps s’applique-t-il ? Le droit de retrait n’est pas limité dans le temps et peut se maintenir tant que la situation présentant un danger persiste.
Le salarié suspend donc ses activités jusqu’à ce que l’employeur ait pris les mesures de protection nécessaires pour résoudre la situation dangereuse.
Quelles sont les conséquences d’un droit de retrait justifié ?
L’exercice légitime du droit de retrait a des conséquences tant pour le salarié que pour l’employeur :
- aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée en cas de retrait d’un salarié s’il a de bonnes raisons de croire qu’il est en présence d’un danger grave et imminent ;
- l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires et de fournir les instructions appropriées pour permettre au salarié de quitter ses fonctions tout en sécurisant le lieu de travail.
Le salarié peut-il être sanctionné s’il exerce son droit de retrait ?
Non, lorsque le droit de retrait est exercé par un salarié de façon légitime, son employeur ne peut pas le sanctionner. Il ne peut pas non plus demander au salarié de reprendre son activité si le danger est toujours présent, ni engager une procédure de licenciement à son encontre.
En principe, l’exercice du droit de retrait n’a pas de conséquence sur le salaire ou le contrat du salarié.
⚠️ Attention : si le droit de retrait a été exercé de manière abusive ou injustifiée, l’employeur peut effectuer une retenue sur le paiement de son salaire ou entamer une procédure disciplinaire.
FAQ
Est-ce qu’on est payé en droit de retrait ?
Oui. Si le droit de retrait revêt bien d’un danger grave et imminent, aucune retenue sur salaire ne peut être opérée. En revanche, si le droit de retrait est jugé injustifié, l’employeur peut retenir une absence de la durée du retrait sur le bulletin de salaire.
Peut-on refuser de travailler ?
Oui. Le salarié peut refuser de travailler ou quitter son poste de travail s’il constate un danger grave et imminent pour sa santé ou sa sécurité. Il exerce alors ce que l’on appelle le droit de retrait.
Comment faire appliquer un droit de retrait ?
Le droit de retrait est étroitement lié à l’obligation d’alerte. Ainsi, un salarié qui souhaite exercer son droit de retrait doit au préalable, ou au moment de son retrait, avertir son employeur par tous les moyens possibles du danger grave et imminent auquel il fait face.
Si aucun formalisme n’est obligatoire, il est recommandé d’établir un écrit en guise de preuve.
Principales sources législatives et réglementaires :
- Articles L4131-1 à L4131-4 - Code du travail
- Articles L4132-1 à L4132-5 - Code du travail
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Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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