La nouvelle réglementation du contrat de stage
Requalification d’un CDD en CDI : quels en sont les cas et les conséquences ?
Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
La requalification d’un CDD en CDI est une problématique fréquente du Conseil des Prud’hommes. Et pour cause : le recours au CDD (contrat à durée déterminée) par un employeur doit uniquement être utilisé sous réserve du respect de certaines conditions. Contrairement au CDI (contrat à durée indéterminée), le CDD doit en effet être conclu pour répondre à un besoin précis et temporaire d’une entreprise (remplacement, hausse d’activité ponctuelle, etc.). À défaut, le CDD doit obligatoirement être requalifié en CDI.
Quelle est la différence entre CDD et CDI ? Quels sont les différents cas de requalification d’un CDD en CDI ainsi que leurs conséquences, et comment en bénéficier ? Nous vous proposons un tour d’horizon détaillé du sujet pour tout comprendre et préserver vos droits.
Mini-Sommaire
CDD ou CDI : de quoi parle-t-on ?
Avant d’entrer dans le détail de la requalification d’un CDD en CDI, il est indispensable de définir clairement les deux types de contrat les plus courants dans le monde du travail : le contrat à durée indéterminée (CDI) et le contrat à durée déterminée (CDD).
Définition du CDI
Le contrat à durée indéterminée (CDI) est le contrat de travail de droit commun en France. C’est le type de contrat le plus stable et le plus utilisé par les employeurs. Comme son nom l’indique, il n’a pas de terme fixé dès sa conclusion. Autrement dit, le contrat se poursuit tant que l’employeur ou l’employé ne décident pas de le rompre selon les règles prévues par le code du travail.
Le CDI offre une stabilité professionnelle à l’employé. Il peut être à temps complet, à temps partiel ou intérimaire. Sa rupture est encadrée par des procédures strictes : licenciement, démission ou rupture conventionnelle.
Définition du CDD
Le contrat à durée déterminée (CDD), comme son nom l’indique, est conclu pour une durée fixée à l’avance. Pour embaucher en CDD, l’employeur doit impérativement veiller à respecter un certain nombre de conditions fixées par le Code du travail, notamment :
- Le poste offert ne doit pas avoir vocation à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de la société ;
- Le recours au CDD doit être limité à la réalisation de tâches précises et temporaires.
Il est uniquement utilisé pour des missions non permanentes. Le recours au CDD est limité à des cas spécifiques et strictement encadré par la loi, comme par exemple :
- remplacer un salarié absent ;
- remplacer un salarié passé à temps partiel de manière temporaire ;
- absorber un accroissement temporaire d’activité ;
- occuper un emploi saisonnier ;
- recruter des ingénieurs et cadres, pour un objet défini ;
- effectuer des travaux urgents nécessitant une réalisation immédiate ;
- dans certains secteurs où le CDD est d’usage.
Il doit ainsi respecter des conditions très précises, comme l’existence d’un écrit, une durée maximale, et des conditions de renouvellement strictes. Sa rupture anticipée est très encadrée et ne peut intervenir que dans des cas limités, comme une faute grave ou un commun accord.
Le CDD est renouvelable deux fois maximum et il est limité à 18 mois, renouvellement inclus.
Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, le contrat de travail doit nécessairement être requalifié en CDI.
Tableau récapitulatif des différences entre un CDD et un CDI
Critères |
CDD |
CDI |
Durée |
Fixée à l’avance, avec une durée maximale en fonction du motif |
Illimitée, sans date de fin |
Contrat écrit obligatoire |
Oui, avec mentions obligatoires |
Non |
Période d’essai |
Possible, mais encadrée par la loi |
Possible, mais encadrée par la loi |
Rupture du contrat |
Encadrée, cas limités : ● commun accord entre l’employeur et le salarié ; ● demande du salarié, si embauche en CDI ; ● faute grave ; ● force majeure ; ● inaptitude du salarié. |
Possible par licenciement, démission ou rupture conventionnelle |
Renouvellement |
2 renouvellements maximum |
Non applicable |
Qu’est-ce que la requalification d’un CDD en CDI ?
La requalification d’un CDD en CDI intervient lorsque le contrat à durée déterminée ne respecte pas les règles strictes prévues par le Code du travail. L’objectif de cette transformation est de protéger les salariés contre l’usage abusif du CDD par certains employeurs.
Si le CDD est jugé non conforme par les tribunaux, il est alors automatiquement converti en CDI, à compte de la date de conclusion du CDD litigieux.
Cette requalification permet à l’employé de bénéficier des droits associés au CDI, notamment en termes d’ancienneté et d’indemnité de licenciement. Elle lui permet aussi de prétendre à une indemnisation du préjudice subi.
Dans quels cas un CDD peut-il être requalifié en CDI ?
Plusieurs situations peuvent conduire à la requalification d’un CDD en CDI. Ces cas sont prévus par le code du travail :
- absence de contrat écrit ou de mentions obligatoires ;
- dépassement de la durée maximale légale ;
- utilisation abusive de CDD successifs ;
- renouvellements non conformes ;
- non-respect des motifs de recours au CDD.
Absence de contrat écrit ou de mentions obligatoires
Un CDD doit obligatoirement être formalisé par un écrit signé par les deux parties. Si ce n’est pas le cas (contrat oral), le travail sans contrat devient un CDI. Le salarié est présumé être en CDI dès son entrée en fonction. L’absence de contrat écrit est un motif courant de CDD entraînant sa requalification en CDI.
☝️ Bon à savoir : il n’est néanmoins plus possible d’obtenir de manière automatique la requalification d’un CDD en CDI si 48 h après le début de la mission, le contrat écrit ne vous a pas été remis. Cela peut toutefois entraîner le versement d’une indemnité de la part de l’employeur.
La requalification est également possible lorsque le CDD ne comporte pas, dans son contrat, certaines mentions obligatoires. À titre d’exemple :
- absence de motif précis ;
- absence de date du terme ou de durée minimale ;
- pas de désignation du poste occupé ;
- absence de mention de la convention collective, etc.
Dépassement de la durée maximale
La durée d’un CDD est limitée par le Code du travail. Cette durée maximale est en général de 18 mois (renouvellements compris). Si cette durée est dépassée, le CDD peut être requalifié en CDI.
📝 À noter : selon leur nature, certains CDD peuvent durer jusqu’à 24 mois, notamment dans le cas du remplacement d’un salarié parti avant la suppression de son poste. D’autres, conclus par exemple dans le cadre de travaux urgents ou dans l’attente d’un salarié embauché en CDI, ne peuvent excéder 9 mois.
Utilisation abusive de CDD successifs
Si un employeur enchaîne plusieurs CDD avec le même salarié pour le même poste sans respecter les périodes minimales entre les contrats, cela peut être considéré comme un abus nécessitant une requalification. En effet, on considère alors que le CDD ne concerne pas une tâche temporaire et spécifique mais représente un emploi permanent.
Renouvellements non conformes
Un CDD ne peut être renouvelé que deux fois dans les conditions prévues par la loi. Si un CDD est renouvelé une troisième fois, il est automatiquement transformé en CDI. C’est une des situations où la requalification d’un CDD en CDI intervient.
Il en va de même lorsque le délai de carence entre 2 CDD n’a pas été respecté. Celui-ci est en principe de la moitié de la durée du CDD, pour les contrats inférieurs à 14 jours, et d’un tiers de cette durée pour les contrats d’une durée supérieure.
⚠️ Attention : il n’y a pas de délai de carence pour les CDD conclus en remplacement d’un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu.
Non-respect des motifs de recours au CDD
Un CDD doit répondre à des motifs précis, comme un remplacement temporaire ou une mission spécifique. Si le motif n’est pas justifié ou si l’employeur fait un usage abusif du CDD, le contrat peut être requalifié en CDI.
En effet, le CDD ne doit pas avoir pour but de pourvoir un poste s’il est lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En outre, les motifs de recours au CDD sont très précisément listés par les textes. En dehors de ces cas, conclure un CDD est interdit et entraîne la requalification du CDD en CDI selon le Code du travail.
☝️ Bon à savoir : font partie des cas de requalification d’un contrat de travail les CDD conclus :
- pour effectuer un travail présentant un danger ;
- moins de 6 mois après un licenciement pour motif économique, s’ils sont supérieurs à 3 mois ;
- pour pallier l’absence d’un salarié lié à un conflit.
Quelles sont les conséquences de la requalification d’un CDD en CDI ?
En cas de requalification d’un CDD en CDI, des conséquences importantes existent pour le salarié et l’employeur. Celles-ci sont prévues par le code du travail :
- obligation de versement d’une indemnité ;
- transformation du contrat de travail et rétroactivité ;
- réintégration du salarié ;
- droit aux indemnités de licenciement.
Obligation de versement d’une indemnité
En cas de requalification du CDD en CDI, une indemnité est due par l’employeur au salarié. Elle est dite indemnité de requalification. Cette indemnité est au moins égale à un mois de salaire. Ce montant peut être plus élevé si l’employeur est reconnu coupable de pratiques abusives.
Le montant de l’indemnité de requalification est au moins égale à 1 mois de salaire. Pour la calculer, on utilise le dernier salaire perçu ou on fait la moyenne des salaires mensuels perçus durant le CDD.
Transformation du contrat de travail et rétroactivité
Lors de la requalification, le CDD litigieux devient un CDI de manière rétroactive. Cela signifie que le salarié est réputé avoir été embauché en CDI à compter de la date à laquelle le CDD a été conclu.
Cette rétroactivité emporte des conséquences quant à la situation et aux droits du salarié, au regard de l’ancienneté notamment. Le salarié est considéré comme employé depuis la date de sa première embauche, ce qui impacte notamment le calcul de certaines primes ou encore des droits à la formation.
De même, les règles relatives à la rupture du contrat, par exemple, deviennent celles du CDI.
Réintégration du salarié
En effet, le salarié est alors réintégré dans l’effectif de l’entreprise. Cette réintégration n’est pas obligatoire : c’est l’employé qui décide ou non de conserver son CDI.
Droit aux indemnités de licenciement
Si le salarié préfère ne pas réintégrer l’entreprise après la requalification de son CDD en CDI, il peut alors bénéficier d’une indemnité de licenciement pour rupture abusive. Cette indemnité de licenciement est à la charge de l’employeur.
Quel est le délai de prescription pour la requalification d’un CDD en CDI ?
Pour une requalification d’un CDD en CDI, le délai de prescription est de 2 ans après la fin du dernier contrat à durée déterminée. Ce délai est prévu par le code du travail et court à compter de la date à laquelle le salarié a eu connaissance de ses droits et a été mis en mesure de les exercer.
Quelle est la procédure pour la requalification d’un CDD en CDI ?
Deux cas de requalification d’un CDD en CDI doivent être distingués.
Le passage d’un CDD en CDI volontaire
Il est possible qu’un CDD soit requalifié en CDI de manière volontaire de la part de l’employeur, sans intervention du juge. Deux cas sont possibles :
- Requalification automatique du CDD en CDI : si les relations de travail entre un employeur et son salarié perdurent après que le CDD soit arrivé à son terme, le CDD se transforme d’office en CDI. Par exemple, l'hypothèse d’un CDD transformé en CDI se rencontre souvent en cas de hausse d’activité qui devait être ponctuelle mais qui s’est avérée durable. Dans ce cas, l’employeur n’est redevable d’aucune indemnité de requalification.
- Transformation anticipée d’un CDD en CDI : l’employeur peut également procéder à la rupture du CDD avant qu’il ne soit échu et effectuer un passage du CDD en CDI de manière anticipée. C'est généralement le cas lorsque les conditions pour embaucher en CDD ne sont plus remplies. Cela permet à l'employeur d’éviter une requalification en CDI imposée par le juge et le paiement d’indemnités.
La requalification d’un CDD en CDI devant le CPH
La requalification d’un CDD en CDI forcée concerne le cas dans lequel le salarié a saisi le conseil de prud'hommes (CPH) afin de demander la requalification de son CDD en CDI. Le salarié ou une organisation syndicale représentative peut réaliser une telle demande devant le juge de prud’hommes, au plus tard 12 mois après la date de fin du CDD.
Le salarié doit alors procéder à la saisine du conseil de prud'hommes (CPH). Il peut choisir le CPH du lieu :
- où il exerce son activité ;
- du siège social de l’entreprise ;
- de signature du contrat de travail ;
- de son domicile, s’il travaille depuis celui-ci ou hors de l’entreprise.
Pour déposer une demande de requalification d’un CDD en CDI, le salarié doit soumettre une requête au Conseil de prud'hommes (CPH), soit par courrier (recommandé ou non), soit en la déposant directement au greffe.
Cette demande doit être datée, signée et inclure :
- les coordonnées du salarié et de l’employeur ;
- l'objet de la demande ;
- un exposé des motifs ;
- les pièces justificatives listées dans un bordereau.
Le salarié peut se présenter seul à l’audience ou être assisté par un avocat, un défenseur syndical ou une personne de confiance (époux, concubin, collègue de la même branche).
La procédure de requalification de CDD en CDI est gratuite et, une fois la demande déposée, le CPH statue dans un délai d’un mois.
FAQ
Comment un CDD peut-il se transformer en CDI ?
Un CDD peut se transformer en CDI s’il ne respecte pas les règles encadrant les contrats à durée déterminée. Cela peut concerner l’absence d’écrit, un motif non justifié ou un dépassement de la durée maximale autorisée. La requalification peut également être volontaire de la part de l’employeur, si les motifs de recours au CDI viennent à disparaître et qu’il souhaite prolonger le contrat de travail.
Quel délai entre un CDD et un CDI ?
Si à la suite d’un CDD, il est proposé un CDI au salarié, il ne s’applique aucun délai de carence. Les deux contrats peuvent s’enchaîner. Les dispositions relatives au délai de carence ne concernent que les CDD successifs.
Quel est le nombre de renouvellements maximum d’un CDD ?
Au maximum, un CDD peut être renouvelé 2 fois. Si ce nombre est dépassé, le contrat peut être requalifié en CDI.
Principales sources législatives et réglementaires
- articles L1245-1 à L1245-2 - Code du travail
- articles L1242-1 à L1242-4 - Code du travail
- articles L1242-7 à L1242-9 - Code du travail
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Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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