Recouvrement de créances : comment faire ?
Bail commercial : comment réagir face à des impayés ?
Maître Benjamin English
Avocat, associé fondateur de SHANNON AVOCATS, et Président du réseau Eurojuris France.
Le contrat de bail commercial est celui qui encadre les relations contractuelles entre le propriétaire et son locataire, exploitant des locaux dans le cadre de son activité professionnelle.
Les impayés sont souvent signe d’une fragilisation de la situation économique et financière du locataire. Il convient donc d’agir rapidement et efficacement avant que le débiteur ne devienne insolvable.
Mini-Sommaire
Baux commerciaux : quelles solutions amiables pour recouvrer les impayés ?
Tout d’abord, la recherche d’une solution amiable semble être la solution à privilégier dans ce type de situation. En effet, les parties peuvent négocier afin de trouver une solution rapide, efficace et peu coûteuse.
Cependant, il peut arriver que la recherche d’un accord échoue. Dans ce cas, le bailleur dispose d’un arsenal juridique afin de recouvrer ses créances et même d’obtenir l’expulsion du locataire.
Quelle est la procédure légale et judiciaire à suivre en cas de loyers commerciaux impayés ?
En cas d’impayé de loyer, le bailleur dispose d’une double action contre son locataire :
- une action en recouvrement des sommes dues ;
- et une action en résolution du bail, soit par constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail, s’il en comporte une, soit par résolution judiciaire dans le cas contraire.
Étape 1 - La relance par LRAR
Si les discussions échouent entre bailleur et locataire, il est conseillé d’adresser une LRAR à son locataire le mettant en demeure de payer les loyers et charges impayés dans un certain délai.
Étape 2 - La saisie conservatoire
Afin d’éviter que le locataire organise son insolvabilité, le bailleur peut, avant toute procédure judiciaire au fond et avant même de délivrer un commandement de payer, pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes du locataire et les biens du locataire, et ce, dès le premier jour de l’impayé.
Par la suite, le bailleur devra, par le biais de son avocat, saisir le Tribunal Judiciaire du lieu de situation des locaux dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie conservatoire au locataire pour obtenir un titre exécutoire et confirmer la saisie.
Enfin, si le locataire possède un bien immobilier, le bailleur peut également inscrire une hypothèque conservatoire dans les mêmes conditions indiquées ci-dessus.
Étape 3 - Le commandement de payer
Si le bail commercial contient une clause résolutoire, ce qui est généralement le cas, avec ou sans saisie conservatoire, le bailleur doit impérativement, avant toute procédure au fond, adresser un commandement de payer au locataire, délivré par huissier.
S’il a été prévu un garant, ledit commandement devra être dénoncé à la caution dans un délai de 15 jours.
Le bailleur devra remettre à l’huissier le bail commercial et un décompte détaillé des loyers impayés.
À la réception du commandement de payer, le locataire dispose d’un mois pour régulariser sa situation. La clause résolutoire peut prévoir un délai supérieur à un mois mais jamais inférieur.
À défaut de régularisation de la situation du locataire dans le délai prévu, la clause résolutoire est réputée acquise et le preneur est réputé sans droit ni titre.
En revanche, si le locataire régularise sa situation, la clause résolutoire est privée d’effet et le bail se poursuit normalement.
Il convient de préciser qu’à la réception du commandement de payer, le locataire peut saisir le juge des référés afin d’obtenir des délais de paiement avec la fixation d’un échéancier sur plusieurs mois (24 mois maximum). Si le juge accède à sa demande et qu’il ne respecte plus ses engagements, le bailleur peut, à son tour, saisir le juge des référés pour le condamner à la totalité des loyers impayés.
En cas d’absence de clause résolutoire dans le bail commercial, le bailleur n’est pas tenu d’envoyer un commandement de payer, il suffit d’adresser une mise en demeure par LRAR à son locataire avant de l’assigner au fond devant le Tribunal Judiciaire pour obtenir la résolution du bail.
Pensez à utiliser un modèle de bail commercial lors de la rédaction, de votre contrat afin d'y inclure toutes les clauses utiles !
Étape 4 - La procédure judiciaire
Si le bail commercial contient une clause résolutoire, et suite au commandement de payer resté sans effet, le bailleur peut alors assigner le locataire en référé-expulsion devant le Tribunal Judiciaire du lieu de situation de l’immeuble. Si le montant des loyers et des charges est inférieur à 10 000 €, l’intervention d’un avocat n’est pas obligatoire. En revanche, si le montant des loyers et des charges est supérieur à 10 000 € ou que le montant est indéterminé, l’intervention de l’avocat est obligatoire. En tout état de cause, nous vous recommandons vivement d’être assisté par un avocat.
En l’absence de clause résolutoire, le bailleur devra assigner le débiteur au fond devant le Tribunal Judiciaire ou Tribunal de commerce du lieu de situation de l’immeuble. Cette procédure nécessite l’intervention d’un avocat.
Attention : dans ce cas, le juge dispose d’une grande marge de manœuvre et la résolution n’est pas automatique. En effet, le juge va apprécier la situation du locataire et la possibilité de régulariser la situation par le biais d’un échéancier fixé sur 24 mois maximum.
Étape 5 - Le déroulement de la procédure après la décision du juge
Lorsque le juge rend sa décision, il est important de la signifier au locataire par voie d’huissier afin qu’elle produise effet.
Si la décision accorde des délais de paiement au locataire et suspend les effets de la clause résolutoire, le locataire sera tenu de respecter le plan d’apurement de la dette. Si un seul impayé survient, il y aura déchéance du terme et le bailleur pourra expulser le locataire sans revenir au juge au moyen d’un commandement de quitter les lieux, signifié par huissier.
Quel est le sort du bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur ?
L’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire empêche le bailleur de poursuivre son locataire pour loyers impayés. Ainsi, le bail commercial continue à produire ses effets de plein droit.
Le bailleur ne pourra que déclarer sa créance d’arriérés de loyer au passif du locataire.
Dans le cadre d’une procédure collective, la gestion du bail commercial n’est plus entre les mains du locataire mais entre celles de l’administrateur (si redressement judiciaire) ou liquidateur (si liquidation judiciaire) désigné par le juge-commissaire. L’administrateur ou le liquidateur, peut ainsi décider de poursuivre le bail commercial ou de le résilier.
Si l’administrateur ou le liquidateur décide de poursuivre le bail commercial, il devra alors continuer à payer les loyers échus mois par mois sans pour autant rembourser les loyers impayés à ce stade.
Néanmoins, après l’ouverture de la procédure collective, si l’administrateur ou le liquidateur décide de poursuivre le bail commercial mais sans payer les loyers échus, le bail peut être résilié par rupture anticipée à l’initiative du bailleur après l’ouverture de la procédure.
Toutefois, cette action ne peut intervenir que 3 mois après l’ouverture de la procédure collective.
Le bailleur peut également demander la résiliation du bail pour des motifs antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure. Cependant ces motifs ne peuvent inclure le non-paiement des loyers et des charges.
Enfin, dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire, le liquidateur peut, après avoir obtenu l’autorisation du juge-commissaire, céder le bail commercial à un repreneur. L’accord du bailleur n’est pas nécessaire dans ce cas, même si une clause du bail stipule le contraire.
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Maître Benjamin English
Avocat, associé fondateur de SHANNON AVOCATS, et Président du réseau Eurojuris France.
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