Transformer un local commercial en habitation : explications et formalités
Comment procéder à l’expulsion d’un locataire ? Vos démarches
Chloé Tavares de Pinho
Diplômée de l’INSEEC et de l’Université de Reims en droit des affaires.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
Votre locataire ne règle pas ses loyers, ou enfreint une des conditions présentes au contrat de bail ? Un des derniers recours du propriétaire est l’expulsion du locataire fautif. Loin d’être anodine, la procédure est encadrée par la loi, afin de préserver les intérêts du bailleur comme de son locataire. Si vos loyers restent impayés ou que votre locataire manque à ses obligations, comment engager les démarches ? Quels sont les motifs valables d’expulsion, à quoi correspond la trêve hivernale et quelles sont les étapes de la procédure ? Legalstart vous accompagne afin de gérer correctement l’expulsion de votre locataire.
Mini-Sommaire
En quoi consiste l’expulsion d’un locataire ?
Lorsqu’un locataire ne respecte plus ses obligations, le propriétaire est en droit de les lui réclamer par voie de justice. C’est notamment le cas du non-paiement des loyers, cause la plus fréquente de l’expulsion d’un locataire. Dans le cas où il ne s’exécuterait pas dans un délai défini par la loi, le bailleur peut alors engager une procédure pour récupérer son logement. Dans ce cas, une procédure d’expulsion est mise en place. Elle consiste à résilier le contrat de bail qui vous lie et à obliger le locataire à quitter les lieux. Une procédure d’expulsion peut nécessiter ou non le concours de la force publique, et est effectuée par un commissaire de justice (anciennement appelé huissier de justice).
Quelles sont les conditions pour expulser un locataire ?
Il existe plusieurs motifs qui peuvent aboutir à la demande d’expulsion d’un locataire, et qui résultent directement des obligations du locataire fixées par la loi.
Le motif le plus fréquent est le non-paiement des loyers et des charges locatives par le locataire. Combien de loyers impayés faut-il avant expulsion ? Il n’y a en pratique pas besoin d’une accumulation d’impayés pour lancer une procédure en résiliation de bail et expulsion : deux loyers impayés suffisent pour faire signifier un commandement de payer, et un seul pour une mise en demeure. En pratique, il est nécessaire de relancer rapidement son locataire par courrier simple et lettre recommandée avant d’emprunter la voie judiciaire.
Le défaut de paiement des loyers n’est pas le seul motif valable pour mettre fin à un contrat de bail et contraindre le locataire à quitter les lieux. D’autres conditions peuvent y aboutir comme :
- le défaut d’assurance habitation ;
- le défaut de paiement de la caution, appelée aussi dépôt de garantie ;
- la dégradation du logement loué ;
- l’existence de troubles du voisinage répétés ;
- la sous-location sans accord du bailleur
- la persistance du locataire dans les lieux malgré un congé donné en bonne et due forme par le bailleur. L’expulsion d’un locataire en fin de bail est possible si le congé lui a été donné par son propriétaire de manière légale.
☝️ Bon à savoir : les locataires ne quittant pas le logement à l’issue de la procédure d’expulsion encourent une amende allant jusqu’à 7.500 €.
Dans tous les cas, l’expulsion d’un locataire reste une procédure délicate, qui doit être menée uniquement si les solutions amiables ou contentieuses sont restées sans effet. C’est une action du propriétaire qui est entourée d’un formalisme strict, et qui bénéficie également de certaines limites.
Dans quels cas l’expulsion d’un locataire n’est pas autorisée ?
La principale interdiction concerne l’expulsion d’un locataire en hiver. Cette interdiction est liée à la saisonnalité. La trêve hivernale stoppe l’expulsion de votre locataire de la date du 1er novembre au 31 mars de chaque année. Durant cette période, si une procédure d’expulsion peut être entamée, elle ne peut être menée à son terme et exécutée : le propriétaire ne peut pas demander à son locataire de quitter le logement durant ces 6 mois.
Néanmoins, la trêve hivernale ne concerne pas tous les locataires, notamment :
- les locataires pour lesquels une proposition de relogement adaptée a été faite avant l’expulsion, qui peuvent être amenés à quitter les lieux durant la trêve ;
- le conjoint violent dont l’expulsion du domicile conjugal a été prononcée par un juge ;
- les locataires dont le logement est frappé d’un arrêté de péril, rendant l’habitation dangereuse. Dans ce cas, le bailleur doit les reloger de manière pérenne ou payer les frais de relogement temporaire ;
- les personnes occupant illégalement les lieux (squatteurs).
Concernant les squatteurs, deux cas de figure se présentent. S’ils occupent de manière illégale une résidence principale ou secondaire, ils sont susceptibles d’être expulsés à tout moment de l’année, y compris durant la trêve hivernale. Ils encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende.
S’il s’agit d’un terrain, d’une grange ou d’un garage, les squatteurs peuvent être expulsés durant la trêve ou non, selon la décision prise par le juge.
Enfin, si le locataire est en situation de surendettement, la procédure d'expulsion peut-être suspendue provisoirement par le tribunal judiciaire.
⚠️ Attention : un propriétaire n’a pas le droit de procéder lui-même à l’expulsion de son locataire, ni de réaliser des actes pour empêcher le locataire d’accéder à son logement ou le forcer à partir. Il ne peut donc ni changer les serrures, ni pénétrer dans les lieux et les vider, ni menacer ou user de la force, ni couper l’eau, l’électricité, le gaz. Ce faisant, il encourt jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.
Quel est le délai pour expulser un locataire ?
En pratique, la procédure d’expulsion est une procédure longue, qui peut prendre de 18 à 24 mois. En effet, entre l’apparition du 1er loyer impayé et l’expulsion effective, il existe de nombreuses démarches à accomplir. La trêve hivernale vient en outre rallonger les délais.
Il n’y a pas de délai minimum pour rappeler au locataire de respecter ses obligations. Vous devez lui adresser un courrier dès le premier manquement (ex : 1er loyer impayé) : courrier simple d’abord, puis, s’il reste sans effet, mise en demeure par lettre recommandée AR.
Pour faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, il faut néanmoins attendre que 2 loyers n’aient pas été réglés par le locataire.
Quelles sont les démarches à accomplir pour l’expulsion d’un locataire ?
Les démarches sont nombreuses pour parvenir à l’expulsion d’un locataire :
- réclamation du paiement au locataire
- réclamation du paiement au garant
- information des organismes d’aide au logement
- délivrance d’un commandement de quitter les lieux
- expulsion définitive du locataire
Étape 1 : réclamation du paiement au locataire
Dès le premier impayé, où la réalisation du motif d'expulsion, en tant que propriétaire, vous devez envoyer un courrier à votre locataire. Ce courrier peut être envoyé en lettre simple. Si celui-ci reste sans effet, que le loyer n'est pas régularisé ou que le défaut constaté n'est pas régularisé, une lettre recommandée avec accusé de réception peut ensuite être envoyée. Ce deuxième courrier constitue une mise en demeure.
En cas de loyer impayé, si le montant dû est inférieur à 5.000 € et en l'absence de clause résolutoire dans le contrat de bail, vous devez entamer des démarches amiables. Avant toute saisine du juge, vous devez faire appel à un conciliateur de justice ou un médiateur civil. Vous pourrez ainsi tenter de trouver un accord de paiement avec votre locataire. En cas d’échec, la procédure judiciaire pourra être entamée.
Étape 2 : réclamation du paiement au garant
Dans un deuxième temps, vous pouvez ensuite activer votre garantie des loyers, s'il s'agit d'un impayé. Celle-ci peut-être :
- Une assurance garantie des loyers impayés ;
- la personne qui s'est portée caution du locataire ;
- La garantie d'Action Logement appelée garantie visale. Celle-ci doit être actionnée dans les 30 jours de l'impayé.
La réclamation du paiement au garant peut se faire dès le premier impayé.
Étape 3 : information des organismes d’aide au logement
Si le locataire, dans le cadre de son loyer, bénéficie d'une aide au logement par la CAF ou la MSA, tout impayé doit leur être signalé. Il existe un montant à partir duquel cette déclaration doit être faite :
- si l’aide vous est directement versé en tant que propriétaire, L'impayé doit atteindre deux fois le loyer net, sans charges locatives, aide déduite ;
- si l'aide est directement versée au locataire, l'impayé doit atteindre deux fois le loyer net, sans charges locatives.
☝️ Bon à savoir : en l'absence d'information d'un impayé, le bailleur encourt une amende de 7.728 €.
Étape 4 : délivrance d’un commandement de quitter les lieux
La délivrance d'un commandement de quitter les lieux peut intervenir soit en l'application d'une clause résolutoire figurant au bail, soit, en absence de clause résolutoire, après une décision du juge des contentieux de la protection.
☝️ Bon à savoir : la nouvelle loi sur l’expulsion d’un logement impose que tous les baux signés à compter du 27 juillet 2023 contiennent obligatoirement une clause résolutoire de plein droit. Cette dernière s’applique au paiement des loyers, des charges et à la constitution d’un dépôt de garantie.
En l’absence de clause résolutoire
En l'absence de clause résolutoire de plein droit dans le contrat de bail, notamment si celui-ci a été établi avant le 27 juillet 2023, le juge doit être saisi afin de faire condamner le locataire à la résiliation judiciaire du bail d'habitation. C’est également le cas pour les motifs autres que le non-paiement des loyers et l’absence de dépôt de garantie, même après juillet 2023.
Pour ce faire, le propriétaire doit préalablement mettre en demeure son locataire, puis à défaut de régularisation, le faire assigner devant le juge. C'est le commissaire de justice qui délivre l'assignation. Après condamnation du locataire, si la résiliation du bail est prononcée, le commandement de quitter les lieux pourra être signifié au locataire. Il l’est également à la Préfecture.
☝️ Bon à savoir : le juge peut aussi accorder des délais de paiement. Dans ce cas, c'est seulement en cas de non-respect des délais que le commandement de quitter les lieux pourra être mis en œuvre.
Avec une clause résolutoire
Si le contrat de bail contient une clause résolutoire, vous devez faire délivrer à votre locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire. C’est le commissaire de justice qui délivre le commandement de payer. À compter de la signification, le locataire dispose de 6 semaines pour régler ses loyers impayés.
Durant ce délai, le locataire peut soit :
- payer la totalité des loyers impayés ;
- convenir avec son bailleur d'un étalement des règlements ;
- ne pas payer.
Dans ce dernier cas, le propriétaire l’assigne devant le juge des contentieux de la protection, éventuellement en référé. Le juge constate la résiliation du bail, ordonne l'expulsion du locataire et fixe une indemnité d'occupation. Il peut également condamner le locataire à payer les frais engagés par le propriétaire.
Si le locataire reprend le paiement des loyers avant la date de l’audience, il est possible pour le juge de faire appliquer un échéancier de paiement et de suspendre le bénéfice de la clause résolutoire.
Si à l'issue de l'audience le locataire n'a pas réglé ses loyers ou si l’échéancier n’est pas respecté, le bail est résilié et la procédure d'expulsion peut-être poursuivie.
Étape 5 : expulsion définitive du locataire
La procédure se poursuit par la signification du commandement de quitter les lieux au locataire. À compter de celui-ci, le locataire a 2 mois pour quitter le logement. Il peut néanmoins saisir le juge de l'exécution afin que celui-ci lui octroie un délai de grâce pouvant aller jusqu'à un an maximum.
Lors de l'expulsion proprement dite, trois cas de figure peuvent se présenter :
- si le locataire est absent, l'expulsion ne peut avoir lieu. Le commissaire de justice dresse alors un PV de tentative d'expulsion. Il pourra ensuite revenir avec assistance des forces de l'ordre et d'un serrurier. Si l'intervention des forces de l'ordre est refusée, le propriétaire pourra être indemnisé ;
- si le locataire présent refuse de quitter les lieux, la procédure est identique ;
- si le locataire présent accepte de quitter les lieux, un PV d'expulsion est dressé par le commissaire de justice. le locataire part et ses éventuels meubles sont déposés dans un garde-meuble.
☝️ Bon à savoir : le commissaire de justice ne peut se présenter que lors d’un jour ouvrable, entre 6h et 21h.
FAQ
Peut-on expulser un locataire malade ?
L’expulsion d’un locataire malade est soumise aux mêmes conditions que l’expulsion d’un locataire en bonne santé (impayés, troubles de voisinage, défaut d’assurance habitation, de dépôt de garantie, etc.). La maladie ne peut être utilisée comme motif discriminant, et n’est pas un motif d’expulsion valable.
Combien faut-il de loyers impayés pour lancer une procédure d’expulsion ?
La procédure d’expulsion proprement dite peut être entamée par le commandement de payer lorsque deux loyers sont impayés. Néanmoins, le propriétaire doit relancer son locataire par courrier simple puis mise en demeure dès le 1er mois de loyer non réglé à l’échéance.
Qui sont les locataires protégés ?
Les locataires protégés sont les locataires de plus de 65 ans bénéficiant de ressources inférieures à un certain seuil. Ce sont aussi les locataires de moins de 65 ans hébergeant une personne de 65 ans et plus, dont ils ont la charge fiscale, et dont les ressources cumulées sont également inférieures à un plafond. Ces locataires protégés bénéficient du renouvellement automatique du contrat de bail à son échéance. Leur donner congé est soumis à des conditions
Principales sources législatives et réglementaires :
- loi (27 juillet 2023) visant à protéger les logements contre l'occupation illicite
- loi (6 juillet 1989) tendant à améliorer les rapports locatifs
- articles L412-1 à L412-8 - Code des procédures civiles d'exécution
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Chloé Tavares de Pinho
Diplômée de l’INSEEC et de l’Université de Reims en droit des affaires.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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