Rupture d'un CDD : le guide 2024
Comment fonctionne la mise à pied conservatoire ?
Chloé Tavares de Pinho
Diplômée de l’INSEEC et de l’Université de Reims en droit des affaires.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
La mise à pied conservatoire est une des conséquences du pouvoir disciplinaire de l’employeur, qui découle du lien de subordination qui le lie au salarié. C’est une mesure préventive, en principe temporaire, et qui ne constitue pas une sanction. Elle est en général suivie d’une procédure de licenciement, un des modes de rupture du contrat de travail les plus courants en France.
Vous pensez faire l’objet d’une mise à pied conservatoire abusive ? Vous souhaitez appliquer une procédure de mise à pied conservatoire ? Nous vous expliquons tout ce qu’il y a à comprendre sur la mise à pied conservatoire.
Mini-Sommaire
Qu’est-ce qu’une mise à pied conservatoire ?
Mise à pied conservatoire : définition
Afin de sanctionner un manquement commis par un salarié, l’employeur dispose de plusieurs solutions. Parmi elles, on compte la mise à pied, qui peut prendre deux formes.
Ensuite, la mise à pied conservatoire, qui est une mesure de suspension du contrat de travail, intervient en parallèle d’une procédure disciplinaire menant souvent à un licenciement. Elle est de nature préventive et temporaire :
- Préventive : la mise à pied conservatoire permet d’écarter le salarié de son poste et de l’entreprise. Cette mise à l’écart va permettre à l’employeur d’entamer une procédure disciplinaire adaptée à la gravité des faits reprochés au salarié.
- Temporaire : la mise à pied conservatoire prend fin lorsque la procédure entamée en parallèle se termine (souvent lorsqu’un licenciement est prononcé).
📝 À noter : la mention “à titre conservatoire” par définition implique une mesure d’attente en vue de la prise de décision prochaine de l’employeur. L’objectif est de ne pas aggraver la situation, mais au contraire de la stabiliser en suspendant le contrat de travail du salarié.
Quelle est la différence entre une mise à pied conservatoire et une mise à pied disciplinaire ?
La mise à pied disciplinaire, est une mesure que peut prendre l’employeur envers son salarié afin de sanctionner temporairement un comportement fautif, lorsqu'il convient de l’éloigner de l’entreprise. La mesure suspend le contrat de travail du salarié (ainsi que ses tâches et sa rémunération). Elle a une durée maximale fixée à l’avance dans le règlement intérieur de l’entreprise. À la fin de cette mesure, le salarié reprend son contrat de travail.
Contrairement, à la mise à pied disciplinaire, la mise à pied à titre conservatoire n’est pas une sanction. Au contraire, c’est une mesure prise dans l’attente du prononcé de la sanction qui peut prendre différentes formes comme une mise à pied disciplinaire, un blâme ou encore un licenciement pour faute.
Quels sont les motifs d’une mise à pied conservatoire ?
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une sanction en soi, la mise à pied conservatoire est une mesure importante. Elle ne doit donc pas être prononcée à la légère par l’employeur. Ainsi, la situation doit répondre à une condition : le comportement reproché au salarié doit être suffisamment grave au point de rendre impossible son maintien dans l’entreprise le temps de prendre une décision définitive.
Alors, quel motif pour une mise à pied conservatoire ? La jurisprudence a pu retenir les faits suivants comme étant particulièrement grave et pouvant justifier une mise à pied conservatoire :
- le vol au sein de l’entreprise ;
- la violence envers d’autres employés de l’entreprise ;
- le harcèlement moral ou sexuel au travail ;
- un abandon de poste ;
- un comportement délictuel ;
- etc.
Quelle est la procédure de mise à pied conservatoire ?
Avant de voir quelles sont les étapes à suivre pour faire une mise à pied conservatoire, il est nécessaire de connaître le délai dont dispose l’employeur pour prononcer la mise à pied, mais aussi la durée de la mise à pied conservatoire.
Le délai pour prononcer la mise à pied conservatoire
L'employeur dispose d'un délai de 2 mois après la prise de connaissance des faits reprochés au salarié pour décider d’une mise à pied conservatoire.
📝 À noter : la date de notification de la mise à pied conservatoire permet de vérifier le respect de ce délai par l’employeur.
Ainsi, pour pouvoir prononcer une mise à pied à titre conservatoire, l’employeur doit non seulement être en mesure de justifier d’un fait grave, mais il doit aussi agir relativement rapidement. Cette condition de délai est impérative, il n’est pas possible d’y déroger.
Par conséquent, une fois ce délai de 2 mois écoulé, l’employeur n’a plus la possibilité de prononcer une mise à pied conservatoire.
Combien de temps peut durer une mise à pied conservatoire ?
Pour la mise à pied conservatoire, le Code du travail n’impose pas de durée minimum ou maximum. Ainsi, par principe, la mise à pied conservatoire est une procédure à durée indéterminée, car sa durée dépend d’une procédure disciplinaire entamée en parallèle.
Par exception, la mise à pied conservatoire a une durée limitée lorsque prise en vue d’un licenciement pour faute grave ou lourde. L’employeur doit alors envoyer très rapidement la convocation à un entretien préalable.
L’employeur doit lancer la procédure disciplinaire parallèle très rapidement. En effet, si les juges considèrent la durée de la mise à pied conservatoire excessive, ils pourront la requalifier en mise à pied disciplinaire. Quelques exemples de délais jugés excessifs :
- 4 jours entre le moment de la mise à pied conservatoire et l’envoi de la convocation ;
- 6 jours entre le moment de la mise à pied et le lancement de la procédure de licenciement.
Cela permet de protéger les salariés contre les employeurs qui feraient durer la mise à pied conservatoire pour pousser le salarié à la démission. Il est toutefois possible de faire durer une mise à pied conservatoire, dès lors que l’employeur a un motif légitime pour le justifier. Cela pourrait être, notamment, le besoin de mener l’enquête sur les faits reprochés au salarié au sein de l’entreprise. Il faudra néanmoins convaincre le juge du caractère légitime de votre motif !
Les étapes à suivre pour faire une mise à pied conservatoire
Une procédure de mise à pied conservatoire se déroule en 3 grandes étapes :
- la notification de la mise à pied conservatoire ;
- l’entretien préalable ;
- la prise de sanction.
Étape 1 : la notification de la mise à pied conservatoire
La mesure de mise à pied conservatoire doit être notifiée par l’employeur au salarié concerné.
Toutefois, la notification de la mise à pied conservatoire n’est pas soumise à une condition de forme. Ainsi, l’employeur peut informer le salarié de la mise à pied conservatoire par écrit ou à l’oral. Toutefois, l’utilisation de la forme écrite est souvent recommandée pour des raisons de preuve.
⚠️ Attention : bien qu’il existe des modèles de lettre de mise à pied conservatoire, il est souvent préférable de la rédiger avec l’aide d’un avocat spécialisé en droit du travail.
Une lettre de mise à pied conservatoire peut être donnée au salarié de deux façons :
- une remise en main propre contre-décharge ;
- l’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR).
📝 À noter : si la mise à pied conservatoire est prise en vue d’une procédure de licenciement, le salarié pourra être notifié de la mise à pied conservatoire dans la lettre de convocation à l’entretien préalable de licenciement.
Étape 2 : l’entretien préalable
Lorsqu’il prend la décision de mise à pied conservatoire, l’employeur doit immédiatement engager une procédure disciplinaire en parallèle. Pour cela, il convient de procéder à une convocation à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire.
L’entretien doit avoir lieu dans un délai raisonnable à compter de la convocation, mais ne peut pas être trop long. À défaut, la mise à pied à titre conservatoire pourrait être requalifiée en mise à pied disciplinaire. Par exemple, un délai de 4 jours entre la convocation et l’entretien a été jugé excessif par la jurisprudence.
Au cours de l’entretien, l’employeur expose les griefs reprochés au salarié ainsi que les sanctions envisagées. Cet entretien vise à créer une discussion où le salarié peut faire part de ses observations.
☝️ Bon à savoir : le salarié peut se faire accompagner par le membre du personnel de ce choix lors de l’entretien.
Étape 3 : les sanctions
Le choix de la sanction appartient à l’employeur. Il est donc tout à fait possible d’avoir une mise à pied conservatoire sans licenciement. Dans ce cas, il peut prononcer un blâme ou un avertissement à l’encontre du salarié, et il y a réintégration suite à la mise à pied conservatoire.
Cependant, le plus souvent, la sanction prise est le licenciement après une mise à pied conservatoire, notamment le licenciement pour faute grave ou lourde. Il convient alors de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable au licenciement et de respecter l’ensemble de la procédure de licenciement.
Quelles sont les conséquences d’une mise à pied conservatoire ?
Dans la mesure où la mise à pied conservatoire implique une suspension du contrat de travail, il convient de s’interroger sur la possibilité de travailler ou non pendant cette période, mais aussi sur le sort de la rémunération du salarié.
Peut-on travailler pendant une mise à pied conservatoire ?
Non, le salarié ne peut pas travailler pendant une mise à pied conservatoire. Pour toute la durée de la mise à pied conservatoire, le salarié n’est pas tenu d’exécuter son travail, son contrat étant suspendu de manière temporaire et indéterminée. Durant cette période, le salarié ne peut pas se rendre dans les locaux de l’entreprise.
Mise à pied conservatoire et salaire
Qu’en est-il de la rémunération du salarié pour la période de la mise à pied conservatoire ? Celle-ci va dépendre de l’issue des procédures enclenchées par l’employeur :
- si la procédure confirme une faute grave ou lourde : le salarié n’est pas rémunéré pour la période de mise à pied ;
- si la procédure ne confirme pas de faute de la part du salarié, ou qu’elle n’est pas jugée suffisamment grave : le salarié touche rétroactivement les salaires dus par l’employeur pour toute la période de la mise à pied.
❓ Question fréquente : que se passe-t-il en cas de mise à pied conservatoire et d’arrêt-maladie du salarié ? Si le salarié est en arrêt-maladie après notification de la mise à pied conservatoire et pendant la durée de celle-ci, alors cela n’influe en rien sur la mise en œuvre de la mesure temporaire. Le calcul de la durée de la mise à pied conservatoire se fait normalement. Son application ne peut pas être différée dans le temps. De plus, l’employeur n’a pas à verser les indemnités journalières. Toutefois, si finalement le salarié est réintégré, l’employeur devra lui verser rétroactivement les indemnités journalières qu’ils auraient dû percevoir après décompte du délai de carence.
Comment contester une mise à pied conservatoire ?
La contestation d’une mise à pied conservatoire n’est pas possible de manière immédiate pour le salarié. C’est une différence importante avec la mise à pied disciplinaire.
Toutefois, le salarié peut attaquer toute sanction intervenue après la mise à pied conservatoire. Il doit alors adresser une lettre de contestation à l’employeur et lui indiquer les motifs de la procédure qu’il engage. L’affaire pourra être portée devant le conseil des prud’hommes. À ce moment-là, le salarié peut également contester le bien-fondé ou la durée de sa mise à pied conservatoire.
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FAQ
Que veut dire mise à pied conservatoire ?
Une mise à pied conservatoire est une mesure préventive qui vise à suspendre de manière temporaire et provisoire le contrat de travail d’un salarié qui a commis une faute dont la gravité est telle, qu’il ne peut pas rester dans l’entreprise le temps que l’employeur décide de la sanction applicable. À l’issue de la procédure, le salarié peut être licencié ou réintégré dans l’entreprise.
La mise à pied conservatoire est donc une mesure d’attente, et non une mesure disciplinaire. C’est ce qui la distingue d’une mise à pied disciplinaire.
Qu’est-ce qu’une mise à pied conservatoire abusive ?
Pour être justifiée, la mise à pied conservatoire doit être motivée par une faute grave du salarié rendant sa présence dans l’entreprise impossible. De plus, la mise à pied à titre conservatoire doit être notifiée au salarié dans le délai de 2 mois à compter de la constatation de la faute par l’employeur.
La mise à pied conservatoire doit être justifiée et proportionnée au regard de la faute reprochée au salarié. À défaut, elle sera considérée comme abusive et pourra faire l’objet d’une indemnisation sous la forme de dommages-intérêts versés au salarié.
Comment signifier une mise à pied conservatoire ?
Le Code du travail n’impose aucun formalisme pour la notification de la mise à pied conservatoire. Elle peut donc être notifiée à l’oral ou par écrit, y compris par SMS. Toutefois, dans un souci de preuve, l’écrit est préférable.
Quel est le délai entre la mise à pied conservatoire et le licenciement ?
La loi ne fixe aucun délai minimum ou maximum entre la mise à pied conservatoire et le licenciement. Cependant, la jurisprudence estime que quelques jours suffisent. À défaut de pouvoir justifier les raisons de l’application d’un délai plus long par l’employeur, la mise à pied conservatoire sera requalifiée en mise à pied disciplinaire. Par exemple, un délai de 4 jours entre le moment de la mise à pied conservatoire et l’envoi de la convocation a pu être considéré comme trop long par les juges.
Principales sources législatives et réglementaires :
- Article L1332-1 - Code du travail
- Article L1332-2 - Code du travail
- Article L1332-3 - Code du travail
Note du document :
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Chloé Tavares de Pinho
Diplômée de l’INSEEC et de l’Université de Reims en droit des affaires.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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