Dans quels cas une indemnité d’éviction est due au locataire ?
Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
La création d’entreprise implique de choisir ses locaux et, souvent, de conclure un bail commercial. Le bail commercial, ou professionnel, possède des caractéristiques propres et des protections particulières. L’indemnité d’éviction fait partie des particularités du bail commercial. En effet, la fin d’un bail commercial est conditionnée au paiement d’une indemnité au locataire en compensation des dommages causés : il s’agit de l’indemnité d’éviction. L’indemnité d’éviction est-elle toujours obligatoire ? Comment calculer cette indemnité ? Legalstart fait le point avec vous.
Indemnité d’éviction : définition
L’indemnité d’éviction est une compensation financière dûe au locataire d’un local commercial lorsque le propriétaire du local a refusé de renouveler le bail.
Pour la pérennité et la stabilité d’une entreprise, le législateur protège les locataires des baux professionnels en imposant au bailleur de payer une indemnité d’éviction au locataire en cas de fin du bail.
Autrement dit, si le propriétaire ne souhaite plus louer son bien immobilier, il peut mettre fin au bail. Cependant, il devra payer au locataire une indemnité d’éviction, laquelle correspond aux dommages causés par la fin du bail du local commercial.
Dans quels cas faut-il payer une indemnité d’éviction ?
Une indemnité d’éviction doit être versée au locataire lorsque le bailleur veut mettre fin au contrat de location.
Le versement de cette indemnité d’éviction peut être réclamé par le locataire dans un délai de 2 ans à compter de la date de notification du congé du bailleur ou de la réception du refus de renouvellement du bail.
Il existe des exceptions à ce principe, permettant au bailleur d’échapper au paiement de l’indemnité d’éviction :
- en cas de démolition de l’immeuble,
- en cas de reconstruction de l’immeuble loué (à condition de prévoir un local de remplacement),
- en cas de reprise d'un local d'habitation accessoire au local commercial, ou encore,
- en cas de motifs graves et légitimes du propriétaire. Ces motifs graves sont généralement caractérisés par une faute grave commise par le locataire, laquelle peut prendre la forme d’une absence de paiement du loyer, une grave détérioration du local, ou encore, une cessation d’exploitation du local.
Il faut évidemment apporter la preuve qu’il s’agit d’une faute grave incombant au locataire.
Comment calculer l’indemnité d’éviction ?
L’indemnité d’éviction a pour but de dédommager le locataire des dommages causés par le non-renouvellement du bail.
Il existe deux types d’indemnité d’éviction d’un bail commercial :
- l’indemnité de remplacement ; et
- l’indemnité de déplacement.
Ces indemnités sont généralement complétées par des indemnités dites accessoires.
Indemnité d’éviction : calcul
Indemnité de remplacement
Indemnité principale :
L'indemnité de remplacement concerne les professionnels qui perdent leur clientèle suite au non-renouvellement du bail de leur local professionnel.
Pour calculer le montant des indemnités de remplacement, il faut prendre en compte la valeur du fonds de commerce, laquelle est calculée sur la base de :
- la perte de clientèle ;
- le résultat d’exploitation ; et
- le droit au bail.
📋À noter : le droit au bail est le droit au renouvellement du bail par le locataire. Si le bailleur refuse le renouvellement du contrat locatif, alors il devra compenser cette atteinte au droit au renouvellement du bail par une compensation financière. Il peut arriver que le montant du droit au bail soit supérieur au montant de la perte de clientèle.
Indemnité accessoire
Tous les frais liés à la cessation du bail doivent être pris en compte dans le montant de l’indemnité d’éviction. Ainsi, les frais de déménagement, les indemnités de licenciement, la perte d’une licence, ou encore, les frais de double loyer sont pris en compte dans le calcul de l’indemnité d’éviction.
Cette indemnité d’éviction peut donc être très élevée.
Indemnité de déplacement
Indemnité principale
Lorsque le non-renouvellement du contrat locatif n'entraînera pas une grande perte de la clientèle, une indemnité de déplacement doit être versée.
Pour calculer le montant d’une indemnité de déplacement, trois éléments principaux doivent être pris en compte :
- le transfert du fonds,
- la valeur du droit au bail,
- les frais et droit de mutation, et
- le pas-de-porte du futur local.
📋 À noter : le pas-de-porte est une contrepartie financière de la jouissance du fonds de commerce. Cette contrepartie financière est versée par le nouveau locataire d’un local commercial au bailleur, avant le début du bail. Le montant du pas-de-porte varie en fonction de la valeur du fonds de commerce, la localisation du local, etc… Il peut atteindre des montants très élevés.
👍Bon à savoir : les frais et droits de mutation sont dûs lors d’un transfert de propriété d’un bien immobilier. Ces droits de mutation sont tout simplement une taxe versée à l’administration fiscale française lorsqu’il y a un changement de propriétaire d’un bien immobilier.
Indemnité accessoire
Tout comme l’indemnité de remplacement, tous les frais liés à la cessation du contrat de location doivent être pris en compte dans le calcul de l’indemnité de déplacement. Ainsi, les frais liés à la résiliation de certains contrats, le trouble commercial engendré, ou encore, les frais normaux de déménagement, sont à la charge du bailleur dans le cadre de l’indemnité d’éviction.
Quelles sont les modalités de paiement de l’indemnité d’éviction ?
La fin du contrat de location est conditionnée au versement de l’indemnité d’éviction. Tant que le bailleur ne verse pas l’indemnité au locataire, ce dernier est en droit de rester dans les locaux.
Une fois que les parties se sont mises d’accord sur le montant de l’indemnité d’éviction, le bailleur dispose d’un délai de rétractation de 14 jours. Le bailleur a la possibilité de se rétracter au cours de ce délai, s’agissant de l’accord du montant de l’indemnité d’éviction ou de son refus de renouveler le bail.
Une fois ce délai expiré, le bailleur dispose d’un délai de trois mois pour verser l’indemnité au locataire.
Suite au versement de cette indemnité, le locataire dispose d’un délai de trois mois pour quitter le local.
Indemnité d’éviction et fiscalité
Le versement d’une indemnité d’éviction est soumis à l’impôt. Il convient de distinguer différents cas :
- lorsque le locataire est soumis à l’impôt sur les sociétés, l’indemnité d’éviction est prise en compte dans le résultat global et imposable au taux normal ;
- lorsque le locataire est soumis à l’impôt sur le revenu, il faut distinguer deux situations :
- si l’indemnité a pour but de compenser la perte d’actifs (ex : droits de mutation ou pas-de-porte), alors l’indemnité est soumise au régime des plus-values professionnelles ; et
- si l’indemnité a pour but de rembourser une charge (ex : frais de déménagement), alors l’indemnité est comprise dans le résultat global soumis à l’impôt sur le revenu.
FAQ
Que faire si le locataire et le bailleur ne se mettent pas d’accord sur le montant de l’indemnité d’éviction ?
Il est préférable d’établir le montant de l’indemnité d'éviction à l’amiable, mais lorsqu’aucun accord n’a été trouvé, une procédure judiciaire peut être ouverte. Le montant de l’indemnité sera alors fixé judiciairement par le Tribunal judiciaire.
À qui doit être payé l’indemnité d’éviction d’un bail professionnel ?
L’indemnité d’éviction doit être payée au locataire. Ce versement peut être fait directement au locataire, mais le propriétaire peut aussi choisir de passer par un séquestre.
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Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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