Mandat ad hoc : conditions, procédure, issue
Plan de continuation : quelle utilité ?
Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
Lorsqu’une entreprise en difficulté est en dépôt de bilan, deux choix s’offrent à elle : le redressement judiciaire - qui permet de prendre des mesures pour protéger l’entreprise et les emplois - ou la liquidation judiciaire - qui marque la fin de l’activité de l’entreprise.
Lorsque l’entreprise présente des signes qui laissent espérer un rétablissement, c’est le redressement judiciaire qui est privilégié. La procédure permet à l’entreprise de reconstituer une partie de sa trésorerie et de planifier la poursuite de l’activité grâce à un plan de continuation de redressement judiciaire. Qu’est-ce qu’un plan de continuation d’activité ? Comment l’élaborer ? Quelles sont les conditions d’adoption et d’exécution ? Legalstart vous explique.
Mini-Sommaire
Qu’est-ce qu’un plan de continuation ?
Lorsqu’une entreprise entre en procédure de redressement judiciaire, un plan de continuation doit être mis en place.
Le redressement judiciaire est une procédure collective. Cela signifie que lors de l’ouverture de la procédure, le débiteur a interdiction de payer les dettes antérieures à la procédure. Les créanciers de l’entreprise, quant à eux, ne peuvent plus poursuivre individuellement le débiteur. Un mandataire est désigné pour représenter les intérêts des créanciers et il est le seul à pouvoir agir pour le paiement des créances dans leur globalité.
C’est donc ce plan qui organise entre autres les échéances et les modalités de paiement des créanciers. Le plan de continuation de l’activité a pour but de décliner la stratégie et l’ensemble des dispositions prévues pour garantir la reprise et la continuité des activités malgré les difficultés rencontrées et l’état de cessation des paiements dans lequel l’entreprise se trouve.
☝️ Bon à savoir : il ne faut pas confondre le plan de continuation d’activité avec le plan de cession, qui lui n'intervient qu'en cas de redressement ou liquidation judiciaire.
Quelles entreprises peuvent bénéficier d’un plan de continuation ?
Toutes les entreprises, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité, peuvent potentiellement bénéficier d’un plan de continuation. Ce dispositif s’applique aussi bien aux petites entreprises individuelles qu’aux grandes sociétés commerciales. L’objectif est d’offrir une chance de redressement à toute entité capable de démontrer sa viabilité à long terme malgré les difficultés rencontrées.
Le plan de continuation est accessible aux entreprises en redressement judiciaire. L’entreprise doit être en cessation de paiements, c’est-à-dire incapable de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Toutefois, cette cessation de paiements ne doit pas être trop ancienne pour permettre d’envisager une reprise de l’activité sous certaines conditions.
Pour être éligible à un plan de continuation, une entreprise doit présenter des perspectives de redressement suffisantes. Cela implique une capacité à générer des revenus suffisants pour rembourser les créanciers tout en maintenant son activité. Un diagnostic approfondi réalisé par un administrateur judiciaire permet de déterminer si l’entreprise est en mesure de surmonter ses difficultés financières.
Le soutien des créanciers est également clé pour la mise en place d’un plan de continuation. Les entreprises doivent être en mesure de négocier des aménagements avec leurs créanciers, comme des délais de paiement ou des remises de dettes. Cette collaboration est essentielle pour assurer la viabilité du plan et la poursuite de l’activité.
Enfin, une entreprise souhaitant bénéficier d’un plan de continuation doit pouvoir compter sur une gestion saine et rigoureuse durant la période de redressement. L’engagement des dirigeants à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour redresser la situation financière de l’entreprise est un facteur clé pour la réussite du plan de continuation.
Que contient le plan de continuation ?
Le plan de continuation est composé de tous les éléments qui permettent à l’entreprise d’opérer un redressement de sa situation.
Il est élaboré par le débiteur avec l’assistance de l’administrateur judiciaire désigné dans le cadre de la procédure. Le plan est directement tiré des conclusions de l’administrateur judiciaire sur l’état de santé de l’entreprise.
En effet, à l’ouverture de la procédure, une période d’observation est mise en place pour permettre à l’administrateur judiciaire d’établir un bilan économique et social de l’entreprise. C’est à partir de ce bilan que le débiteur élabore le plan de continuation après consultation et négociation avec les créanciers et les représentants du personnel.
Chaque plan de continuation est unique en fonction de la situation de l’entreprise, pour autant, il contient quasi systématiquement les éléments suivants :
- une explication sur le contexte qui a mené aux difficultés et sur la nature des difficultés rencontrées ;
- les modalités de règlement des créances et d’apurement du passif ;
- l’identification des personnes qui doivent exécuter le plan ;
- les perspectives d’emplois et les mesures sociales qui ont déjà été mises en place ;
- les mesures économiques de réorganisation.
Plus le plan de continuation est complet et précis, plus il a de chance d’être adopté par le juge.
Quelle est la durée du plan de continuation ?
Une fois le plan rédigé, il est présenté au juge qui décide de son adoption et fixe la durée du plan. Le plan ne peut pas dépasser une durée de 10 ans (15 ans en matière agricole).
Un commissaire à l’exécution du plan est nommé pour veiller au respect des délais et des engagements prévus par le plan. C’est bien souvent le mandataire ou l’administrateur judiciaire qui sont nommés à ces rôles.
Le plan de continuation d’activité doit ensuite être exécuté dans les délais par le débiteur. Si tout se passe bien et que le plan est suivi, la clôture de la procédure est prononcée au terme de la durée du plan. Cela signe donc la fin du plan de continuation.
Plan de continuation : quelles conséquences ?
Le plan de continuation a pour principale conséquence de permettre à l’entreprise de poursuivre son activité malgré ses difficultés financières. En évitant la liquidation judiciaire, l’entreprise conserve ses actifs, ses contrats en cours, et surtout ses salariés, ce qui est essentiel pour maintenir sa position sur le marché et préserver les emplois.
Sur le plan financier, la mise en place d’un plan de continuation entraîne généralement un rééchelonnement des dettes de l’entreprise. Les créanciers peuvent accepter des délais de paiement plus longs ou des remises de dettes, ce qui allège la charge financière à court terme et donne à l’entreprise le temps nécessaire pour rétablir sa santé économique.
Le plan de continuation impose également une discipline stricte à l’entreprise. L’entreprise est tenue de respecter scrupuleusement les termes du plan, notamment les échéanciers de remboursement et les mesures de redressement prévues. Un manquement à ces obligations peut conduire à la conversion du redressement en liquidation judiciaire, ce qui signifierait la fin de l’activité.
D’un point de vue juridique, le plan de continuation confère au tribunal de commerce un rôle de surveillance accru. Le tribunal veille à l’exécution du plan et peut intervenir en cas de difficulté, par exemple en ordonnant des mesures supplémentaires pour protéger les créanciers ou en ajustant le plan en fonction de l’évolution de la situation de l’entreprise.
Enfin, pour les dirigeants, la mise en œuvre d’un plan de continuation peut signifier une remise en question de leur gestion passée et des ajustements importants dans la conduite de l’entreprise. Cela peut inclure des changements stratégiques, la réduction des coûts, ou des cessions d’actifs non essentiels.
La réussite du plan dépend souvent de la capacité des dirigeants à adopter une nouvelle approche de gestion, plus rigoureuse et adaptée à la situation de l’entreprise.
Peut-on modifier un plan de continuation ?
Oui, un plan de continuation peut être modifié, mais cela reste une procédure encadrée et conditionnée. Les modifications peuvent être nécessaires si l’entreprise rencontre des difficultés imprévues ou si certaines hypothèses initiales du plan s’avèrent erronées.
Cependant, toute modification doit être validée par le tribunal de commerce, qui s’assure que les changements proposés sont dans l’intérêt des créanciers et permettent toujours la viabilité de l’entreprise.
La demande de modification doit être motivée par des éléments concrets, comme une évolution significative du marché, des événements économiques imprévus, ou des difficultés internes qui n’avaient pas été anticipées lors de l’élaboration du plan initial. Le tribunal peut également consulter les créanciers pour obtenir leur avis sur les modifications envisagées, car leur accord est souvent nécessaire, notamment si les changements affectent les conditions de remboursement des dettes.
📝 À noter : la modification d’un plan de continuation ne doit pas être perçue comme un signe de faiblesse, mais plutôt comme une adaptation nécessaire à un environnement en constante évolution. Si les ajustements sont réalisés de manière proactive et justifiée, ils peuvent renforcer les chances de succès du plan, en permettant à l’entreprise de mieux s’adapter à sa situation réelle.
Que se passe-t-il en cas de non-respect du plan de continuation ?
En cas de non-respect du plan de continuation, les conséquences peuvent être graves pour l’entreprise. Le non-respect des engagements pris, qu’il s’agisse des échéances de remboursement ou des mesures de redressement prévues, peut conduire à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Cette décision est prise par le tribunal de commerce qui constate l’incapacité de l’entreprise à honorer ses obligations.
La liquidation judiciaire entraîne la cessation immédiate de l’activité de l’entreprise, la vente de ses actifs pour rembourser les créanciers, et le licenciement des salariés. C’est une issue radicale qui marque la fin de l’existence juridique de l’entreprise. Les dirigeants peuvent également être tenus responsables des défaillances dans l’exécution du plan, ce qui peut entraîner des sanctions personnelles, notamment en cas de faute de gestion avérée.
Le non-respect du plan peut également nuire à la réputation de l’entreprise et à la confiance des partenaires commerciaux et financiers. Une entreprise qui ne parvient pas à tenir ses engagements risque de se retrouver isolée sur le marché, avec des difficultés accrues pour obtenir des crédits ou conclure des contrats. Cette perte de confiance peut avoir des répercussions à long terme, même au-delà de la procédure judiciaire.
Par ailleurs, le tribunal de commerce peut intervenir avant que la situation ne dégénère totalement. Si des difficultés dans l’exécution du plan sont détectées à temps, des mesures correctives peuvent être prises pour éviter la liquidation, comme la modification du plan ou l’octroi de délais supplémentaires pour permettre à l’entreprise de se redresser.
FAQ
Qu’est-ce qu’un redressement judiciaire ?
C'est une procédure destinée à aider une entreprise en cessation de paiements à poursuivre son activité tout en restructurant sa dette.
Quelle est la différence entre un redressement judiciaire et une sauvegarde judiciaire ?
Le redressement judiciaire concerne une entreprise déjà en cessation de paiements, tandis que la sauvegarde est préventive, destinée aux entreprises qui rencontrent des difficultés sans être en cessation de paiements.
Comment sortir d’un plan de continuation ?
En respectant toutes les obligations du plan jusqu'à son terme, l'entreprise sort du plan avec une situation financière rétablie.
Principales sources législatives et réglementaires
- article L631-19 - Code de commerce
- articles L621-62 à L621-101 - Code de commerce
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Léna Cazenave
Diplômée d'un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle de l'Université d'Aix-Marseille.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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