Immobilisation corporelle : principe, valorisation et comptabilisation
Suramortissement : comment fonctionne ce dispositif fiscal ?
Thomas Wittenmeyer
Diplômé de l'ESSEC Business School.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
Sous certaines conditions, un bien immobilisé peut faire l’objet d’un amortissement, afin de tenir compte de sa perte de valeur au fil de son utilisation. Pour encourager l’investissement, l’État a mis en place à trois reprises le dispositif du suramortissement, qui vient en complément de l’amortissement traditionnel. Legalstart fait le point sur cet avantage fiscal exceptionnel.
Mini-Sommaire
Quel est le principe du suramortissement ?
Le suramortissement est un avantage fiscal qui permet à une entreprise d’obtenir une déduction supplémentaire du prix d’achat d’un bien immobilisé. Elle s’ajoute en complément d’un amortissement, que ce dernier soit linéaire ou dégressif.
Le taux d’un suramortissement est de 40 %, à l’exception de celui décidé dans le cadre de la loi de finances 2024. Ce dernier repose, en effet, sur un taux variable allant de 20 à 60 % selon la nature du bien.
🛠️ En pratique : lorsqu’elle bénéficie d’un suramortissement, une entreprise qui amortit un bien d’une valeur de 20.000 euros sur 5 ans peut déduire 5.600 euros au lieu de 4.000 euros (dans le cadre d’un amortissement linéaire).
Cette déduction exceptionnelle est destinée à encourager les entreprises à investir, afin d’améliorer leur compétitivité sur le marché français. Ce dispositif peut d’ailleurs se cumuler avec d’autres aides.
Le suramortissement est un avantage fiscal exceptionnel. Ce dispositif a été instauré à trois reprises :
- Suite à la loi Macron de 2015, à destination de toutes les entreprises pour certains biens acquis entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2017.
- Suite à la loi de finances 2019, à destination des PME industrielles pour des biens dans le domaine de la transformation numérique et de la robotique. Cela concerne des biens acquis neufs (ou réservés) entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020.
- Suite à la loi de finances 2024 pour les entreprises qui utilisent des véhicules dotés d’énergies peu polluantes. Leur transformation doit avoir lieu entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2030.
📝 À noter : un suramortissement ne doit pas être confondu avec un amortissement exceptionnel. Il s’agit d’une dérogation temporaire et facultative, destinée à aider les entreprises à accélérer l’amortissement de certains biens. Ce dispositif peut faciliter l’accès à un amortissement dégressif, ou bien prendre la forme d’une réduction de la durée d'amortissement.
Qui peut bénéficier du suramortissement fiscal ?
Les entreprises éligibles varient selon les lois.
Les bénéficiaires du suramortissement de la loi Macron de 2015
Toutes les entreprises du secteur commercial, industriel, artisanal ou agricole sont éligibles, à condition d’être soumis à l'impôt sur les bénéfices selon un régime réel d’imposition.
☝️ Bon à savoir : sont ainsi exclus de ce dispositif les entreprises exonérées d’impôts, celles qui bénéficient de forfaits ou les titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC).
Les bénéficiaires du suramortissement de la loi de finances 2019
Il s’agit des PME qui :
- exercent une activité industrielle ;
- sont soumises à l’impôt sur les bénéfices, selon un régime réel d’imposition.
Pour rappel, une PME doit répondre aux conditions suivantes :
- un effectif inférieur à 250 personnes ;
- un chiffre d’affaires hors taxe inférieur à 50 millions d’euros, soit 43 millions d'euros de total de bilan annuel maximum.
📝 À noter : sont exclus de ce dispositif les sociétés exonérées d’impôts, les BNC ou encore les micro-entrepreneurs.
Les bénéficiaires du suramortissement de la loi de finances 2024
En 2024, le suramortissement concerne les entreprises du BTP (bâtiment ou travaux publics) qui acquièrent des engins non routiers employant des carburants plus respectueux de l’environnement, comme l'électricité, l'hydrogène, le gaz naturel. Il en est de même pour les véhicules hybrides.
☝️ Bon à savoir : le suramortissement s’applique aussi aux investissements destinés à transformer des véhicules existants pour remplacer leur moteur thermique par un moteur électrique et une batterie. On parle alors d’opération de “rétrofit”.
Quels sont les biens pouvant faire l’objet d’un suramortissement ?
La nature des biens éligibles diffère selon les lois.
Les biens éligibles au suramortissement de la loi Macron de 2015
Ce dispositif fiscal concerne les éléments suivants :
- Les matériels de manutention, comme les ascenseurs, les palettes ou les chariots.
- L’outillage et le matériel utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, tels que des tracteurs, des tours, ou des machines-outils.
- Les installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie, comme les fours à pain, les appareils de chauffage ou les moteurs. Sont toutefois exclus de ce dispositif les installations de production d’énergie électrique dont la production bénéficie de tarifs réglementés d’achat.
- Les installations destinées à l’assainissement de l’atmosphère et à l’épuration des eaux. Cela regroupe notamment les systèmes de filtrage d’aide ou bien ceux qui permettent d’éliminer les résidus rejetés par l’entreprise.
- Les éléments de structure, d’outillage et de matériels utilisés pour des opérations de transport par câbles, comme des remontées mécaniques. Il s’agit notamment des dispositifs de sécurité, de commande ou de transmission.
- Les outillages et matériels utilisés pour des opérations de recherche scientifique ou technique.
⚠️ Attention : tous les biens doivent avoir été fabriqués entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2017. S’ils font l’objet d'acomptes d’au moins 10 % de la commande, ils peuvent aussi bénéficier d’un suramortissement, tant que l’entreprise reçoit le bien dans les 24 mois suivants la commande. Les biens faisant l’objet d’un contrat avec option d’achat ou d’un contrat de crédit-bail sont aussi concernés.
Les biens éligibles au suramortissement de la loi de finances 2019
Cet avantage concerne des biens liés aux secteurs de la robotique et la transformation numérique. Il s’adresse aux équipements suivants :
- Les équipements robotiques et cobotiques (dispositif robotique destiné à collaborer avec l’homme). Cela regroupe les robots industriels, les équipements indispensables au fonctionnement de ces derniers, les véhicules à guidage automatique, les lignes robotisées, les exosquelettes ou encore les cobots.
- Les machines de production à commande programmable ou numérique. Cela désigne, entre autres, les machines d’usinage, de tournage, de fraisage, de rectification, de découpe ou encore de soudage automatique. Néanmoins, ce dispositif ne s’adresse pas aux systèmes périphériques de ces machines.
- Les équipements de fabrication additive, tels que les scanners 3D et les imprimantes 3D.
- Les logiciels dédiés aux opérations de conception, de fabrication ou de transformation. Le dispositif s’applique notamment aux ERP (Enterprise Resource Planning, destiné à gérer les différents services d’une entreprise), aux GPAO (logiciels de gestion de la production assistée par ordinateur) ou encore aux MES (Manufacturing Execution System, qui sont des logiciels de gestion des processus industriels). En revanche, les programmes employés lors d’opérations de recherche et développement ou pour la gestion des contrôles qualité ne peuvent pas bénéficier de suramortissement.
- Les machines intégrées destinées au calcul intensif (supercalculateurs).
- Les équipements de réalité virtuelle et de réalité augmentée, lorsqu’ils sont utilisés pour des opérations de conception, de fabrication ou de transformation. Cela regroupe notamment les lunettes et les casques de réalité virtuelle, ainsi que leurs capteurs de suivi de mouvements, qu’ils soient portés sous la forme de manuelle ou non.
- Les capteurs physiques collectant des données sur le site de production de l’entreprise, sa chaîne de production ou sur son système transitique. Cela regroupe, entre autres, les dispositifs d’identification, de contrôle par vision et géolocalisation, ainsi que de traçabilité, ou bien encore les capteurs connectés de mesure physique (position, luminosité, température, pression) avec ou sans contact. En revanche, ne sont pas concernés les capteurs employés pour des fonctions support, comme le contrôle, la maintenance, la qualité ou la sécurité.
⚠️ Attention : seuls sont concernés les biens acquis ou commandés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020. Pour les biens commandés, ils doivent avoir fait l’objet d’un acompte minimum de 10 %, et être acquis 2 ans maximum après la date de commande.
Les biens éligibles au suramortissement de la loi de finances 2024
Le suramortissement concerne :
- les véhicules utilitaires légers ainsi que les poids lourds non polluants ;
- l’outillage et le matériel utilisés pour les opérations de transformation et de maintenance ;
- les moteurs installés.
D’ailleurs, le taux de suramortissement varie selon le véhicule comme suit :
- 20 % pour les véhicules dont le PTAC (Poids Total Autorisé en Charge) est supérieur ou égal à 2,6 tonnes et inférieur à 3,5 tonnes ;
- 60 % pour ceux dont le PTAC est supérieur ou égal à 3,5 tonnes et inférieur ou égal à 16 tonnes ;
- 40 % pour ceux dont le PTAC est supérieur à 16 tonnes.
📝 À noter : ce dispositif s’applique aussi aux biens pris en location avec option d’achat ou en crédit-bail, tant que le contrat a été signé entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2030.
Comment estimer un bien en vue d’un suramortissement ?
Tout comme pour un amortissement, le suramortissement s’effectue sur la base du prix d’achat du bien. Il tient compte, le cas échéant, du tarif après remise, rabais, ristourne ou acomptes. Par ailleurs, il inclut les frais déboursés pour mettre en état le bien.
Comment bénéficier d’un suramortissement ?
La demande de suramortissement est à effectuer sur la liasse fiscale lors de la déclaration d’impôts, à titre extra-comptable (elle ne touche pas les données comptables). L’entreprise doit alors l’indiquer dans la section “déduction diverse” présente :
- ligne 350 du cadre B de l’annexe n°2033-B pour les entreprises placées sous le régime simplifié d’imposition ;
- ligne XG du tableau n°2058-A pour les entreprises soumises au régime du bénéfice réel.
💡 Astuce : en cas de doute sur votre éligibilité à un suramortissement, il est recommandé de s’adresser à la direction départementale des finances publiques (DDFIP) ou au service des impôts des entreprises (SIE) local.
FAQ
Quelle différence entre amortissement et suramortissement ?
Un amortissement est un dispositif comptable courant qui permet de déprécier sur plusieurs exercices comptables la valeur d’un bien immobilisé, afin de tenir compte de sa baisse de valeur au fil de son utilisation. Le suramortissement est un dispositif supplémentaire et exceptionnel, qui permet à l’entreprise de déduire une part supplémentaire du tarif initial du bien.
Quels sont les différents types d’amortissement ?
Les types d’amortissement sont l’amortissement linéaire (un même montant est déduit chaque année), dégressif (un montant plus important est déduit lors des premiers exercices), l’amortissement variable (en fonction de l’unité d’oeuvre qu’il consomme) et l’amortissement exceptionnel ou accéléré (très élevés sur quelques mois), qui concerne certains investissements précis (comme les nouvelles technologies et le matériel agricole).
Comment comptabiliser le suramortissement ?
Le suramortissement est effectué extra-comptablement sur le résultat fiscal. Il est traité directement sur la liasse fiscale de l’entreprise.
Principales sources législatives et réglementaires :
- BOI-BIC-BASE-100- Déduction exceptionnelle en faveur de l'investissement
- BOI-BA-BASE-20-10-10 - Période d'imposition et détermination du bénéfice imposable
- loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024
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Thomas Wittenmeyer
Diplômé de l'ESSEC Business School.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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