Immobilisation corporelle : principe, valorisation et comptabilisation
Qu’est-ce que l’enrichissement sans cause ?
Thomas Wittenmeyer
Diplômé de l'ESSEC Business School.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.
Appartenant à la catégorie des quasi-contrats, l’enrichissement sans cause, ou enrichissement injustifié, permet à une personne qui s’est trouvée appauvrie de se faire rembourser par celle qui s’est enrichie sans raison.
Comment définit-on l’enrichissement sans cause ? Quelles sont les conditions qui permettent de l’appliquer et quelles compensations peut-on espérer ? Zoom sur cette notion jurisprudentielle.
Mini-Sommaire
À quoi correspond l’enrichissement sans cause ?
L’enrichissement sans cause est désormais appelé enrichissement injustifié, par souci de clarté et par cohérence avec l'abandon du concept de cause dans l’ordonnance de 2016. Initialement, l’enrichissement sans cause a été créé par la jurisprudence. En effet, l'enrichissement sans cause tient sa définition dans une règle de droit, au nom d’un principe d’équité : "nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui".
Dans les faits, cette notion désigne le fait qu’une personne a obtenu un avantage (financier ou matériel) aux dépens d’une autre personne, sans cause ou justification, et qu’elle n’a pas volontairement restitué les biens. En effet, le Code civil introduit le fait que l’enrichissement sans cause est un quasi-contrat. Ainsi, une personne qui s’est injustement enrichie se voit doter d’obligations tacites, sans contrat et sous la seule autorité de la loi, de procéder au remboursement ou à la restitution de l’avantage perçu.
📌 À retenir : l’enrichissement sans cause, régi par le Code civil, est une notion présente en droit privé et public (action de in rem verso). Elle permet à une personne de se faire rembourser pour un appauvrissement injustifié, lorsqu’aucun autre recours n’est possible.
Quelles sont les conditions de l’enrichissement sans cause ?
L’enrichissement sans cause est soumis à trois conditions matérielles, dont la preuve doit être apportée par le demandeur :
- l’enrichissement d’un individu ;
- l’appauvrissement d’une personne ;
- un lien de causalité (direct ou indirect) entre ces deux éléments.
L’appauvrissement est défini comme étant une perte évaluable en argent. Cet appauvrissement peut être dû à une perte, une dépense ou un manque à gagner. Par exemple, il peut s’agir d’une collaboration professionnelle non rémunérée. À ce titre, la personne ayant travaillé sans être payée peut faire valoir un appauvrissement pour manque à gagner, et donc réclamer une rémunération. Une dépense non rémunérée (une livraison non payée) ou le versement d’une somme d’argent injustifiée non restituée sont également des exemples d’appauvrissement.
L’enrichissement est quant à lui défini par le fait que la personne s’est enrichie grâce à :
- l’acquisition d’un bien matériel ou immatériel (une somme d’argent) qui ne lui était pas destiné ;
- une plus-value ou une amélioration d’un bien (une livraison qui permet d’améliorer le rendement de l’entreprise et donc son chiffre d’affaires) ;
- une économie en évitant une dépense (une dépense épargnée en bénéficiant de cours gratuits) ;
- une diminution du passif (la dette de l’enrichi a été payée par erreur par une tierce personne).
Le lien de causalité peut facilement être déterminé lorsque le bien qui a causé l’enrichissement est passé directement entre l’appauvri et l’enrichi (donc d’un patrimoine à un autre). Il peut être toutefois moins évident à prouver lorsqu’il y a intervention d’un tiers. On parle alors d’enrichissement indirect.
☝️ Bon à savoir : pour éviter les abus d’utilisation de l’enrichissement sans cause, puisqu’ils sont relativement fréquents, la jurisprudence a également introduit des conditions de droit. Ainsi, le défendeur peut faire valoir l’existence d’une preuve juridique qui viendrait prouver la justification de l’enrichissement. Il peut s’agir d’un contrat qui justifie le profit de l’enrichi, ou de la liberté de commerce qui vient appauvrir des concurrents au profit de son propre fonds de commerce.
Quelles sont les exceptions à l’action en enrichissement sans cause ?
Le Code civil pose comme principe que cette notion est subsidiaire. Cela signifie que l’enrichissement sans cause ne peut être exercé qu’en seconde intention. En d’autres termes, la victime qui se trouve appauvrie peut exercer l’enrichissement sans cause, seulement si aucune autre action pour obtenir réparation n’est possible ou en cours.
Des situations limitent également l’action en enrichissement sans cause. La première est ce que l’on appelle l’intérêt de l’appauvri. En effet, l’enrichissement sans cause n’est pas toujours établi si l’appauvrissement résulte d’un acte que l’appauvri a accompli en vue d’en tirer un profit personnel.
Exemple : faire des travaux sur l’allée qui mène à votre domicile, et dont votre voisin dispose d’un droit de passage, pour améliorer le revêtement.
La seconde situation qui peut rendre irrecevable l’action en enrichissement sans cause est la faute de l’appauvri. Est considérée comme une faute, une imprudence, une négligence, ou un fait volontairement causé par l’appauvri. Par exemple, le jardinier décide de tailler votre pommier en plus de vos rosiers, alors que ce n’était pas prévu dans le devis.
☝️ Bon à savoir : au départ, l’appauvri était débouté en jurisprudence de sa propre faute, car la faute de l’appauvri suffisait à rendre la procédure irrecevable. Désormais, l’action est recevable, mais limitée quant à l’indemnisation qu’il peut recevoir en réparation. La gravité de la faute (par imprudence ou faute lourde) est laissée à l'appréciation du juge.
Quelle indemnisation en cas d’enrichissement sans cause ?
Dans le cadre de l’enrichissement sans cause, le Code civil prévoit que l’enrichi doit à l’appauvri "une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement". Elle est appelée dette de valeur. Le délai de prescription pour entamer l’action est de 5 ans.
🛠️ En pratique : celui qui s’est enrichi au détriment d’autrui doit verser une indemnité dont le montant est la plus petite somme entre son enrichissement et l’appauvrissement qui en a résulté pour l’appauvri.
Si l’enrichi est de mauvaise foi, l’indemnité due est alors égale au plus élevé de ces deux montants.
Les montants sont évalués au jour du jugement, rétroactivement de la façon suivante :
- l’appauvrissement est apprécié au jour de la dépense ;
- l’enrichissement est calculé tel qu’il subsiste au jour de la demande ;
- ces deux éléments doivent continuer d’exister au jour du jugement, sans quoi le juge évaluera les montants à zéro et l’indemnité sera nulle.
FAQ
Est-ce que l'action de l'enrichissement sans cause peut s'appliquer au régime des concubins ?
La jurisprudence concernant l’enrichissement sans cause dans le cadre d’un concubinage tend à débouter l’action. En effet, la vie commune implique une certaine solidarité conjugale en tenant compte d’un usage familial des biens, et non personnels. Prendre conseil auprès d’un notaire reste toutefois de mise pour prévenir les conséquences d’une désunion sur les biens engagés par l’un ou l’autre des concubins.
Qu’est-ce que le paiement de l’indu ?
Le paiement de l’indu est un quasi-contrat qui permet une action en restitution, sous conditions, lorsqu’une personne a accepté un règlement ou un bien qui ne lui était pas destiné.
Qu’est-ce qu’un quasi-contrat ?
Un quasi-contrat est une notion qui désigne les obligations qui naissent de façon tacite, sous l’autorité de la loi, sans qu’il y ait besoin de contrat. On parle de faits volontaires qui causent un enrichissement à celui qui en profite, sans qu’il y ait droit.
Principales sources législatives et réglementaires :
- Articles 1303 à 1303-4 - Code civil
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Thomas Wittenmeyer
Diplômé de l'ESSEC Business School.
Sous la direction de Pierre Aïdan, docteur en droit et diplômé de Harvard.Fiche mise à jour le
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